À l’approche de la sortie du 13e album de Lil Wayne nommé “Funeral” ce vendredi 31 janvier on a décidé de revenir sur sa carrière et plus précisément sur un épisode très particulier.
Lil Wayne est un des gangsta rappeurs les plus importants des années 2000 et surtout une figure principale du Dirty South aux côtés de Rick Ross et T.I qui construiront les bases de ce qui deviendra la Trap. Il s’est hissé au rang d’artiste majeur de la scène US à travers sa saga Tha Carter qui a débuté en 2004 et s’est terminée avec son dernier album sorti en 2018. Mais beaucoup ignorent qu’au cours de sa carrière Weezy a dévoilé une attirance toute particulière pour le mouvement rock. Une attirance si forte qu’en 2010 il passe le pas en réalisant un album rap/rock sobrement nommé “Rebirth”.
Autopsie d’un échec commercial et critique pourtant à l’origine de bouleversements importants.
Une direction artistique radicale
À ses débuts, Lil Wayne est l’archétype du gangsta rappeur. Il porte des jeans taille basse, des chaînes en or, et arbore des pectoraux saillants décorés de tatouages extravagants. Ses textes sont en accord avec le personnage puisqu’ils s’inscrivent dans la tradition du rap sudiste : allusions sexuelles et violence de la vie dans le hood.
Pourtant, à partir de 2008 et Tha Carter III, Wayne laisse entrevoir une attirance pour l’esthétique rock. C’est notamment dans son clip “Lollipop”, morceau majeur de sa discographie, qu’on le voit se saisir d’une guitare pour exécuter un solo peu inspiré sur le toit d’un Hummer limousine. Une façon extravagante et à son image d’assumer un nouveau penchant pour un mouvement qui n’était pas le sien.
À la suite de ce morceau il répétera plusieurs fois l’opération en troquant une bonne fois pour toutes la casquette New Era pour un chapeau, ses chaînes en or pour un keffieh et le micro pour une Gibson Les Paul, modèle de guitare emblématique. Cette nouvelle lubie amena finalement la naissance d’un album aux influences rap/rock du nom de “Rebirth”.
Un échec commercial et critique …
L’album s’annonçait d’ores et déjà clivant. Les fans de la première heure étaient susceptibles de ne pas bien comprendre cet éloignement avec ses racines Dirty South et les rockeurs quant à eux n’allaient sûrement pas apprécier de voir leur culture mélangée à du gangsta rap.
Musicalement, le projet emprunte surtout au pop-rock de l’époque avec des sonorités simplistes qui sonnent presque teenage rock. Les choix des textes s’inscrivent dans la même veine puisque Wayne nous parle de chagrin d’amour dans “Prom Queen” ou de rébellion adolescente avec Eminem sur “Drop the World”. La critique fut alors particulièrement déçue par ces choix et déversa en conséquence des avis incendiaires sur l’album. Il faut admettre qu’en plus de puiser son essence dans un genre surtout adapté aux ados, Wayne se révèle un piètre guitariste (en témoigne la vidéo ci-dessous) et encore plus mauvais compositeur. Cela s’en est également ressenti sur les ventes puisque l’album fut un des échecs les plus cuisants de Weezy.
Autre fait à noter, la critique principale faite à ce projet était la sur-utilisation du vocodeur, outil qui faisait encore énormément débat aux débuts des 2010’s.
… Et pourtant un impact indéniable
“Rebirth” a beau être une véritable tache en plein milieu de la carrière de Wayne, son influence au cours des années 2010 est bien palpable.
Tout d’abord, l’esthétique rap/rock proposée par le projet s’est rapidement retrouvée chez des artistes émergents comme Lil Uzi Vert ou Young Thug. Des artistes arborant un style et une attitude comparable au punk des temps modernes. Cette esthétique s’est même développée jusqu’à devenir un mouvement majeur dans le rap US. C’est également à travers des dérivés du rock (le métal, l’emo-punk, etc..) que des artistes comme Lil Peep, XXXTENTACION, Juice WRLD ou encore Rae Sremmurd sont apparus, puisant à travers multiples influences de Slipknot aux Beatles en passant par Good Charlotte.
Finalement, la critique principale qui consistait à blâmer Wayne pour son utilisation abusive du vocodeur est aujourd’hui obsolète. Des artistes comme Travis Scott ou Kanye West ont à leur tour révolutionné l’outil en en faisant un réel instrument. Même le grand public a désormais compris que ce procédé n’était qu’une nouvelle manière pour les rappeurs de décupler leur créativité.
Ces critiques émises alors il y a dix ans méritent d’être reconsidérées et prouvent que Lil Wayne était peut-être juste trop en avance sur son temps…
À la suite de cet échec cuisant, Weezy revint rapidement avec Tha Carter IV en 2011 dans le but de redorer le blason. Il s’adonna ensuite plus sérieusement à la gestion de son label Young Money (YMCMB) et au management de ses jeunes recrues du nom de Drake, Nicki Minaj et Tyga.
Au même moment, il s’était mis au skateboard aux côtés de Justin Bieber, allant jusqu’à créer sa propre marque de skatewear : TRUKFIT. Mais ça, c’est encore une autre histoire …