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Eric Koston et Silas Adler de Soulland nous parlent Culture et Nike SB

 

À l’occasion de la sortie de la collaboration entre Soulland et Nike SB et du deuxième volet de FRI.day, nous avons discuté avec la légende du skate Eric Koston et le fondateur de Soulland, Silas Adler. La collection FRI.day Part 02 était présentée en exclusivité chez Colette le vendredi 8 décembre au soir. Plus tôt dans la journée, nous avons rejoint la team Nike SB et Soulland qui logeait dans un AirBnb près de Bastille. Voici la transcription de notre entretien.

 

 

Silas, est-ce-que ton processus de création avec Nike SB était différent de tes précédentes collaborations ?

 

Silas Adler : Oui, le fait que Nike soit une grosse compagnie implique différentes choses à prendre en compte, mais ça implique surtout beaucoup de connaissances.  Et plus il y a de connaissances dans le processus créatif, plus vous pouvez faire de bonnes choses. Quand on a commencé à travailler avec SB, la première chose à laquelle j’ai pensé était :

Merde, il y’a eu tellement de bonnes choses qui ont déjà été faites!

Ca donne un peu chaud pour être honnête, savoir par où commencer, quel modèle, j’étais presque inquiet.

C’est énorme quand on compare ça à ce qu’on avait fait avec les précédentes collabs Soulland qui étaient plus friendly et intimes. Pour la première collab SB, on a appris à se connaitre avec les équipes de conception Nike, mais pour la deuxième, on se connaissait déjà, donc le processus était un peu plus facile, c’était doux. J’imagine que du point de vue de Nike à portland, on a prouvé qu’on pouvait repousser les limites tout en faisant quelque chose de vraiment cool. Tu peux le voir avec les détails, ils nous ont donné beaucoup de liberté.

 

 

C’est la première fois qu’on voit un double swoosh sur une Dunk.  Est-ce que tu as dû batailler pour ça?

Silas Adler : Non, pas vraiment

Eric Koston : Il y a quelques années, il y aurait eu beaucoup plus de résistance, mais les choses changent dans le bon sens, tu te dois d’évoluer, tu dois être capable de pousser le truc plus loin. Mais c’est probablement quelque chose qu’on n’aurait pas vu il y a deux ans.

Silas Adler : C’est aussi un avantage, on est dans une période pour SB ou ils ont le désir de retrouver leurs racines, et les racines de Nike SB c’est évidemment lorsque la Dunk SB est apparu il y a 15 ans, et comment ils ont changé de skateboarding. Pour moi, c’est arrivé à un moment où moi et mes potes cherchions des fringues et des produits qui n’avaient rien à voir avec les marques de skateboard habituelles. Pendant longtemps, c’était les marques de skate qui dominaient, et pour beaucoup de gens c’était rafraichissant de voir débarquer Nike dans cet univers.

Eric Koston : Ce dont je me rappelle à propos de SB au début des années 2000, c’est que c’était juste prémium, les matériaux, tout ce qu’ils sortaient. Ce qu’ils ont fait avec la Dunk par exemple, c’était une chaussure super classique, et ils en ont fait une chaussure de skate. Et ça prend tout son sens, la paire d’origine était déjà parfaite pour skater et la version SB à apporter le petit plus nécessaire tout en restant vraiment belle. Et en plus, ils sont arrivés avec des matériaux très prémium, parce que Nike pouvait le faire.

Silas Adler :  Il s’agissait aussi de raconter des histoires qui n’étaient pas vraiment utilisées dans le skateboard. Au lieu de  faire les choses simplement en fonction des quantités et de combien de paires tu pouvais vendre, tout d’un coup il s’agissait d’en faire moins, mais de faire mieux. Et tout à coup, on a vu arriver la Dunk Pigeon, la Heineken, et toutes ces autres références culturelles qu’on n’avait jamais vu. Et c’est cette mentalité qu’on a voulu garder dans le projet FRI.day, mais le faire avec l’esprit du temps tout en restant authentique. On ne voulait pas seulement faire des détails de conception pour se faire plaisir, on voulait que ce soit fonctionnel pour skater tout en restant frais. C’est une vraie chaussure de skate.

C’est probablement quelque chose qu’on n’aurait pas vu il y a deux ans.

 

 

De plus en plus de grandes marques essayent de s’approprier l’imagerie skate, comment vous percevez ce phénomène ?

Silas Adler : Je pense que tant que ça reste organique ça va. Il y a certaines marques où c’est logique parce que c’est fait par des skateurs, ou par des marques que les skateurs aiment porter. Mais pour d’autres marques, ça sonne totalement faux.

Eric Koston : Certaines marques le font parce qu’elles viennent de skateurs légitimes, et c’est plus authentique, tu peux le sentir. D’autres marques le font juste parce qu’elles sautent sur une tendance. Mais ça se voit, les skateurs peuvent voir ce genre de conneries.

 

quand c’est quelqu’un qui vient juste voler notre culture … ça craint, c’est merdique.

 

Silas Adler : On en voit sur instagram, des mecs qui se donnent une image Skate… mais les vrais savent, tout le monde peut voir la différence ! c’est la même chose dans chaque sous-culture, quand quelqu’un essaie d’utiliser un élément de cette sous-culture, les gens légitimes à l’intérieur sont capables de dire ce qui est cool de ce qui ne l’est pas.

 

Les gens légitimes sont capables de dire ce qui est cool de ce qui ne l’est pas.

 

Eric Koston : Quand ça vient de quelqu’un qui vient du skateboard, j’apprécie! Mais quand c’est quelqu’un qui vient juste voler notre culture … ça craint, c’est merdique. Quand tu vois quelqu’un qui le fait bien, que c’est subtil, tu dis oui, je kiff! J’aime le fait que le Skate pénètre la mode, d’une manière subtile. En tant que skateur, on est très concentrés sur les détails de toute façon, donc on peut voir ça.

Silas Adler : Oui, tu ne peux pas voler la culture. Même avec Soulland depuis de nombreuses années, on a jamais rien fait avec le skateboard, juste par respect pour le Skate. Je n’utiliserai jamais le skateboard pour un truc qui ne fait pas sens. Même nous à Soulland, nous sommes des skateurs, on vient de cette culture, on est des vrais geeks, on ne parle que de ça .. On passe notre temps à dropper des noms obscurs, des détails obscurs .. Si nos femmes nous entendaient parler, elles diraient probablement  ..

Eric Koston : “Ces mecs sont dingues !”  (rires)

Silas Adler : Pour moi, si tu fais quelque chose avec le monde du skateboard, tu dois être très légitime. Tu dois être très respectueux de la culture. Pour moi, sur le projet FRI.day, tout ce qu’on fait en terme de visuel, les clips de skate, l’image, tout … c’était une question d’amitié et de rester légitime. Parce que, en tant que gosse qui a grandit dans une communauté de skateurs, ça fait partie des meilleurs moments de ma vie. Tu es avec un groupe d’amis et vous faites des trucs ensemble, mais tu restes un individu en même temps. C’est unique, parce que vous êtes une grosse équipe, mais vous n’êtes pas en concurrence les uns avec les autres.

 

 

Vous avez tous les deux déjà skaté à Paris. Vous avez un spot que vous préférez plus qu’un autre ?

 

Eric Koston : La scène à Paris est dingue, car il y avait une époque où il n’y avait pas vraiment de scène surtout parcequ’il n’y avait pas vraiment d’endroit où les gens pouvaient skater. Quand ils ont refait République, c’est devenu une place, avec les Blobys qui ont émergé et tous ces mecs différents et uniques. C’était vraiment rafraichissant pour la scène locale ici et c’était vraiment cool. Je regardais comment ces gars ont émergé sur des vidéos Youtube. Je me disais “Ces gars-là sont ouf !”

République est un bon spot même si ça devient vraiment difficile de skater pour moi, j’aime faire des sessions là bas, mais c’est dur, les angles sont trop ronds et ils se fissurent au milieu. Ça ressemble à un angles simple pour la plupart des gens quand on le voit dans les vidéos , mais quand tu skate dessus c’est genre «putain, c’est dur à skater .. ». Et quand tu regardes les locaux, comme Carl, Vincent, quand ils skatent, c’est impressionnant.

Silas Adler :  Tu peux voir si une ville a une bonne culture quand tu vois un bon spot comme ça.

Eric Koston : Ces mecs déchirent ce spot et tu ne peux même pas rouler sur les briques, comment les gars skate encore ça? Les locaux savent s’adapter à leur environnement, toute la partie merdique du spot, ils savent la franchir, ils te font apprécier la scène locale.

 

 

Vous êtes les derniers à exposer chez Colette avant la fermeture. Où allez-vous aller l’année prochaine ?

(rires)

Silas Adler :  Pour moi et pour Soulland, c’est quelque chose… parce que c’est le 5e projets qu’on fait avec Colette. On a commencé avec de petits projets et je suis triste, mais dans le bon sens du terme. Parce que je respecte le fait qu’ils ne transigent pas. Maintenant, on vit dans un monde qui est tellement dominé par l’argent .. C’est bien de voir des gens qui défendent toujours la qualité et leurs valeurs. C’est toujours impressionnant de voir quelqu’un s’arrêter au sommet.

Eric Koston : C’est toujours triste de voir la fin de quelque chose de bien, mais pour moi, c’est comme la série Seinfeld. Ils ont été les meilleurs, et ça c’est fini genre “Ok on est cool maintenant, on a fini” et les mecs étaient payés des fortunes, mais ils sont juste partis. C’est légendaire. Ça inspire le respect.

Donc pour l’année prochaine, je crois qu’on va juste se cacher dans leur sous-sol avec les clés et attendre. (rires)

 

C’est toujours impressionnant de voir quelqu’un s’arrêter au sommet.

 

Silas Adler : J’ai eu une conversation avec un pote de Paris, il m’a dit «Avec l’habitude, on a oublié la puissance de cette boutique et à quel point Colette c’était énorme». Parce que Colette était tellement connectée et offrait une vitrine à des nouveaux designers. La plupart des concept stores ne prennent pas ce genre de risques, ils proposent juste ce qui est safe. Beaucoup se sont fait un nom grâce à Colette. Même pour la scène française. C’est triste qu’ils ferment… parce que si tu es un petit designer maintenant la question c’est : Où vas-tu te lancer maintenant ?

Eric Koston : Tu ne peux pas simplement refaire ce que Colette a fait et dire «Salut on est le nouveau Colette» .. Ça ne marchera pas comme ça. Quelqu’un va devoir créer un truc vraiment différent. La question pour moi maintenant c’est, qui va le faire ?