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Interview Slimka : “C’était bien le turn up mais maintenant il faut manger”

Slimka s’apprête à sortir son tout premier album, point d’orgue d’une carrière déjà très bien remplie. Perçus par beaucoup comme un ovni du rap francophone, ses morceaux ne ressemblent à aucun autre. Ces sonorités s’expliquent par son enfance bercée par le rap américain et le reggae que sa mère écoutait au quotidien.

Le rappeur a cependant voulu faire les choses bien pour cet album. Il nous raconte comment sa manière de travailler a complètement changé en s’isolant et en ouvrant son entourage. Slimka nous parle également de sa relation émotionnelle avec un milieu de la mode qu’il suit de très près.

Rencontre avec le rappeur suisse Slimka, à quelques semaines de la sortie de son premier album.

Tu travailles sur un nouveau projet, est-ce que tu peux nous en parler ?

On travaille sur le premier album en ce moment-là. Tous les enregistrements sont terminés, on est sur le mix et les arrangements actuellement. Après il reste encore le master, mais tout est carré. J’ai commencé à travailler dessus il y a presque 2 ans. Les plus vieux sons qu’il y a dessus datent de presque 2019.

Ce projet aura donc été construit avant et pendant la pandémie, qu’est ce qui a changé dans ta manière de travailler ?

Une grande partie des sons je les ai écrits pendant cette période de confinement. Ils parlent de tout ce que j’ai pu voir, entendre et surtout toutes les remises en questions personnelles. Ces remises en question concernent ce que je veux raconter dans ma musique. J’arrive à un certain âge aujourd’hui où je veux transmettre des choses différentes. Le turn-up c’était lourd on a tout déchiré, mais j’ai envie de passer une autre étape.

Dans quel contexte as-tu pour bosser dessus ?

J’ai fait trois résidences pour construire cet album. Je me suis posé dans des endroits loin de chez moi avec des gens de l’étranger pour qu’on travaille ensemble. Il y a un micro des beatmakers et c’est comme ça que l’inspiration vient. Pour les projets précédents, j’ai travaillé un peu n’importe quand, mais là pour l’album je voulais essayer de créer quelque chose avec plus de monde. Je me suis entouré de personne que j’appréciais pour prendre du recul sur ma musique.

Sur cet album je me suis ouvert, j’ai envie de passer un cap

Est ce que tu comptes plus expérimenter dans ce premier album ?

Je vais continuer à faire ce que j’aime en fait. Si je dois faire un son Drill, je le ferai pareil pour la House. Si j’aime, je vais le faire, je ne m’impose aucune limite. Je ne calcule pas en me disant “Il faut je reste dans le délire, il faut que je test ça …”. Il y a des choses que je sais que je ne testerai jamais parce que je n’aime pas.

Qu’est ce que tu ne pourrais pas tester par exemple ?

Genre le métal, les trucs hardcores (ndlr il mime les bruits des batteries) je sais que je ne pourrais pas aller là-dedans. Par contre le Rock je pourrais être chaud d’expérimenter sur ce segment. Je vais travailler sur un son avec ces sonorités prochainement d’ailleurs. Ça m’intéresse d’aller explorer ce nouveau genre.

Tu as toujours été considéré comme un rappeur avec un univers pointu, est-ce que t’as envie d’essayer d’être plus mainstream ?

J’ai envie de passer un autre niveau aujourd’hui. Au niveau des feat j’ai longtemps travaillé avec les mêmes personnes. Sur cet album je me suis ouvert, j’ai envie de passer un cap. C’était bien le turn up mais maintenant il faut manger.

En Suisse francophone on n’a pas les grosses maisons disque comme chez vous

Est-ce que tu vois une opposition ou une différence entre le rap suisse et le rap français ?

On est très différents au niveau des inspirations et de la culture de la musique. J’ai grandi avec du reggae, du hip-hop, etc. … J’ai l’impression qu’en France, les rappeurs ont plus grandie avec de la variété et des sons plus populaires. Moi je n’ai pas grandi avec ça donc ça ne peut pas rentrer dans mes inspirations. On ne vit pas la même chose tout simplement.

En Suisse, le rap il a une place aussi importante qu’en France ?

Non pas du tout. Déjà, dès que tu fais la démarche de devenir artiste auprès de l’état suisse c’est compliqué. Chez nous, par exemple, pour demander l’aide pour les jeunes, il n’y a pas de case où c’est marqué “artiste”. Il n’y a que des banquiers, des assureurs et des choses qui ne concernent pas la créativité. En France, tu fais 40/50 concerts t’as de l’argent qui tombe tous les mois parce que t’es considéré comme un artiste. Chez nous on n’a pas ça.

Tu trouves que la Suisse est en retard culturellement ?

Il y a beaucoup d’argent en suisse tout le monde le sait, mais on manque de structure culturelle stable chez nous. On ne se sent pas du tout accompagné par l’état, mais il nous manque aussi des médias locaux pour nous accompagner. En Suisse francophone on n’a pas les grosses maisons disque comme chez vous. Il faut qu’on aille en Suisse alémanique (allemande) pour signer, mais eux ils s’en foutent de nous alors qu’il représentent plus de la moitié du pays.


C’est pour ça que vous avez décidé de créer votre propre structure avec Colors Records ?

Oui on est une équipe 3/4 personnes en ce moment en plus des artistes comme moi, Makala et Varnish La Piscine. On a aussi des artistes prometteurs qui gravitent autour de nous comme Nairo, Deewolph, mais ils n’ont pas encore signé. C’est la grande famille et j’ai envie de les aider.

Tes derniers morceaux ont été accompagnés de visuels forts, est-ce que tu écris tes morceaux en fonction du visuel ou l’idée vient après ?

Quand j’ai écrit mon dernier morceau Rainbow par exemple c’est après que je me suis posé pour réfléchir à quel visuel je voulais lui donner. Tu ne vas pas forcément voir visuellement ce que je raconte dans mes clips. J’ai expliqué à Exit.void ce que j’avais en tête, ils ont directement compris le délire et ça s’est fait très rapidement.

Il est rempli de référence à la culture japonaise, est-ce que c’est quelque chose qui t’inspire au quotidien ?

Oui énormément, j’aimerai beaucoup y aller d’ailleurs je n’ai pas encore eu l’occasion. J’avais déjà testé d’assembler différentes cultures avec Bushido Masai. J’ai vu quelques films inspirés de cet univers mais je ne suis pas trop un digger culturel.

J’ai grandis avec Beenie Man, Alpha Blondie et c’est plus ma mère qui m’a attiré vers le hip-hop

Quelles sont tes références personnelles en termes de musique ?

Je le dis souvent, mais j’ai grandis avec Beenie Man, Alpha Blondie et c’est plus ma mère qui m’a attiré vers le hip-hop. Elle allait aux États-Unis faire des soirées avec des Américains. Elle était déjà dans ce délire et me l’a transmis. C’est pour ça que je n’ai pas du tout grandi avec la musique française.

En termes de vêtements, qu’est ce que tu aimes bien porter en ce moment ?

C’est un peu la galère en ce moment avec le Covid je ne peux pas m’acheter tout ce que je voudrais, mais je ne suis pas très compliqué. Là j’attends une paire de Jordan x Union par exemple je ne sais même pas quand elles sortent d’ailleurs. Avant cette interview on était chez Camino, même eux ils s’embrouillaient dans leur explication parce que c’est trop compliqué.

Tu n’as jamais été trop un digger de sneakers vêtement ?

Non pas vraiment. Il y a trop de paires, de collab etc … C’est pour ça que moi maintenant je m’achète vraiment ce que j’aime, je ne vais pas faire une queue de 3h pour acheter une paire de chaussures.

Le nouvel album de Slimka sera disponible le 18 juin avec Laylow, Di-Meh ou encore Makala en featuring.

Images :  Ramiro Simone