Drake, Kendall, Gigi et bien avant eux les joueurs du Corinthians, tous ont participé à l’avènement d’une culture jersey qui s’est aujourd’hui confortablement installée dans nos rues. Souffrant d’une image populaire qui ne lui a pas toujours servi, le football s’embourgeoise et réussit à s’afficher hors des stades. Signe de cette ouverture, le jersey est partout dans nos rues surfant sur la vague d’un retour aux revendications populaires et surtout d’un streetwear omniprésent. Couleurs criardes, graphiques douteux, certains jerseys sont restés iconiques et qu’importe le style c’est le message d’appartenance qui importe. Le mantra de Diego Maradona « Giving everything for the t-shirt » en dit long sur l’importance de la tunique pour les joueurs et explique peut être une histoire riche en rebondissements.
Des joueurs en shorts moulants et t-shirts tressés
En tant que spectateur assidu du Canal Football Club, tu dois forcement connaître les règles de Cambridge ?
Petit retour en arrière pour te rafraichir la mémoire.
En 1848, ces 11 règles de Cambridge définissent le premier règlement du football comme la mise en jeu au centre du terrain ou encore que le vainqueur était celui qui avait marqué le plus de buts. Il n’existait cependant aucune mention à propos des tenues des joueurs. Ces derniers évoluaient ainsi avec des tenues pleines, noires ou blanches avec pour seule différenciation des accessoires de couleurs. Au fil des années, certaines équipes d’universités plus aisées ont tout de même commencé à mettre en avant des couleurs au détriment des équipes populaires qui restaient elles en blanc.
Dans la première moitié du 20e siècle, les codes bougent et les équipementiers de l’époque expérimentent avec des coupes inédites. C’est à ce moment que le Jersey connait ses premières grandes heures de gloire hors des terrains avec l’arrivée des cols lacés, des cols de rugby et surtout l’avènement des rayures horizontales ou verticales qui ont su imprimer une réelle signature sur le football.
L’un des maillots les plus marquants de cette époque, celui des Gunners et leur polo à manche longue noir habillé d’une alliance de rouge et blanc aux côtés du logo de l’époque.
Ce n’est qu’après guerre, en 1960 que les équipes et surtout les fédérations ont réellement commencé à saisir l’intérêt commercial que pouvaient avoir les acteurs sur les terrains. C’est à ce moment que l’on a pu voir fleurir des sponsors sur les maillots aux côtés de couleurs et de motifs plus affirmés scellant l’image de marque des équipes.L’occasion était également donnée aux équipementiers d’imaginer de nouveaux matériaux pour ces maillots avec des coupes qui se sont rapprochés du corps au fil du temps pour finalement nous proposer une douce vision des abdominaux saillants de notre Patrick Evra national. Tout ça pour ça …
Un Jersey pas si neutre
Le terrain a pu avoir un rôle différent à travers les continents à la fois synonyme de rassemblement, de tensions et parfois théâtre de toutes les revendications.
C’est ainsi qu’en 1981, sous une dictature militaire sanglante, un club brésilien a choisi de se révolter contre son régime. Ce régime tenait le pays d’une main de fer, et ce jusqu’au championnat en profitant notamment pour organiser des montées de clubs artificielles, chose que l’on n’imaginerait pas voir dans le football moderne (cc Luzenac). Le président du club de Corinthians fraichement arrivé dans ses fonctions décida de changer l’organisation du club passant ainsi d’une hiérarchie classique à une organisation autogérée. Et le maillot dans tout ça ? Ce symbole du capitalisme bariolé des logos des grandes entreprises a été remplacé en novembre 1982 par un message appelant le peuple à aller voter. Le jersey était donc devenu un moyen de revendication pour une équipe qui a été l’un des symboles du mouvement démocratique brésilien.
Le football a pu également pendant longtemps être lié aux violences des hooligans. Ces évènements caractéristiques d’une ferveur incontrôlée amenaient la rivalité des terrains hors de ces derniers pour en découdre dans les rues. Les Jersey ont été rattachés à ses images d’hommes en furie, s’écharpant autour d’un ballon qui devenait à la fin bien anecdotique face à la violence des affrontements. Ces affrontements ont cependant donné lieu à des images iconiques au sein duquel le Jersey avait trouvé sa plus belle vitrine entre la passion et la folie. De la même manière, la marque Stone Island a pu un temps souffrir de cette image des Hooligans qui conservaient les logos de leur ennemie en guise de trophée. Plus récemment encore, ce sont les Russes qui s’étaient illustrés en mettant à sac le vieux port marseillais pendant l’Europe entachant un peu plus une image globale de la délégation bien mal en point.
La rue avant tout
Au coeur des cités des autres coins de la France, le playground de football est le centre de rassemblement de tous les jeunes souhaitant en découdre autour du ballon rond. Le Jersey est l’occasion pour ces derniers de faire valoir leur origine et surtout leur vision du jeu à travers des jerseys devenus des prolongements de leur personnalité. On se souvient ainsi tous de ce pote avec un maillot de Messi qui pensait pouvoir traverser le terrain sans passer le ballon et surtout de ce défenseur central qui l’attendait en fin de course pour le découper habillé du maillot de Fabio Cannavaro. Si la tendance à porter son jersey de foot en dehors des terrains s’est démocratisée ces dernières années, les jeunes des quartiers ont véritablement amorcé cette vague il y a maintenant plus de dix ans.
Les équipes françaises ont évidemment une place importante au coeur de ces villes, mais comment se distinguer à Paris lorsque tout le monde souhaite s’afficher avec le nouveau maillot de Neymar ? C’est du côté du foot anglais qu’il faut aller chercher l’inspiration avec des franchises qui ont depuis bien longtemps saisi le pouvoir d’attractivité qu’elles pouvaient avoir chez les jeunes. Le survêtement Chelsea est ainsi devenu pratiquement indétrônable dans le coeur des Français, talonné de près par Manchester City ou United, qui se porte comme un symbole de puissance incontestable.
Bientôt Cavani sur les podiums ?
Les tenues de foot ont fait du chemin depuis les tuniques unicolores avec des pièces qui se sont adaptées aux codes vestimentaires actuels.
Il est depuis bien longtemps commun de voir ces jerseys portés dans la rue, mais leur arrivée sur les podiums est quant à elle plutôt récente. La dernière collection de Koche a sans doute scellé cette arrivée sur les podiums. Christelle Koché a présenté en septembre dernier une réinterprétation du maillot du PSG, le transformant notamment en robe ou en véritables pièces de créateur à l’aide de broderies. Cette arrivée n’est pas anodine et confirme une fois de plus que le marché du luxe se rapproche un peu plus de la rue jusqu’à en réinterpréter un des symboles les plus forts. Le problème avec le luxe, c’est cependant son cycle de tendance qui les ponctionne et les jette à échelle industrielle ce qui pourrait compromettre la continuité de notre streetwear adoré.
Kendall Jenner et Gigi Hadid au Parc des Princes
Pour saisir les prémisses de cet avènement, il faut cependant remonter à 2015. Souviens-toi, le 4 octobre, soir de Classico au Parc, une pléiade de stars internationales est venue soutenir les hommes de Laurent Blanc (et surtout prendre des photos en tribune). Parmi les invités de marque présents, Kendall Jenner et Gigi Hadid étaient aperçues portant le maillot third du club qu’elles avaient soigneusement pris soin de recintrer dans leur loge dorée. Ces images restent encore à ce jour l’une des meilleures publicités pour le Paris-Saint-Germain à égalité avec les cheveux de David Beckham, on doit l’avouer.
Approuvé par Drake
Autre image iconique d’une génération, la photo de Drake portant le maillot rose de la Juve en 2016 qui a dû faire gronder chez Nike auquel le rappeur est traditionnellement rattaché. On ne sait d’ailleurs pas à l’heure actuelle si cette image avait été dealée en amont avec la marque allemande qui était à l’époque en train d’orchestrer la communication autour du transfert de Paul Pogba entre la Juventus et Manchester United. Les plus perspicaces d’entre vous auront d’ailleurs noté l’absence du traditionnel logo aux trois bandes qui avait mystérieusement disparu de la tunique. De bonne guerre pour Nike qui est passé à côté d’un joli coup.
Skepta au festival Lovebox en 2015 / Joseph Okpako
En parallèle du développement de l’image des clubs, un véritable écosystème médiatique s’est structuré autour d’un foot plus cool incarné par des revues comme SoFoot et Soccerbible. Ces médias arrivent à prendre un certain recul sur des enjeux financiers ayant largement dépassé ce sport en proposant un ton plus léger. Dans la même veine, certains clubs se construit autour d’une image travaillée avec soin comme le Red Star actuellement en National et sponsorisée par le magazine Vice, entre autres.
Vous l’aurez compris, le Jersey a largement dépassé sa fonction originale au profit de revendications dépassant souvent l’enceinte sportive. Il s’est également depuis quelques saisons fait une place sur les podiums arrivant bien après une génération entière de footeux qui n’avaient pas peur d’assumer leurs couleurs hors des terrains. Il ne te reste donc plus qu’une chose à faire, choisir le tien.