Prendre Kanye West pour un illuminé serait une erreur, artiste et businessman accompli, le rappeur sait très bien où il veut aller avec YEEZY. Kanye West cherche à se rapprocher de Jordan et cela l’a entraîné sur une route pluridisciplinaire ou il est devenu un très sérieux prospect. D’abord chez Fendi puis Nike et maintenant chez adidas, Kanye West officie comme un maître à penser d’une gamme YEEZY devenue une marque à part entière. Une transformation qui peut se découper en trois temps forts qui ont fait de YEEZY une marque à part entière.
YEEZY : des débuts sous la tutelle de adidas
En 2013, Kanye West annonce qu’il rejoint adidas pour y faire ce que Nike lui a toujours refusé : être le propre manager de sa gamme. Quelques mois plus tard, adidas YEEZY voit le jour au travers de la YEEZY Boost 750 avec son empeigne haute et sa sangle importante. Une silhouette créée par Ye mais pilotée par adidas. Avec le rappeur, la stratégie d’adidas est simple : faire de YEEZY une gamme premium, presque haute couture et luxe en se servant de l’expérience acquise par Kanye West auprès de Jean Touitou et de son label APC. Le YEEZY Boost 750 arrive donc dans différents coloris et s’offre une sortie limitée avec un prix qui traduit très rapidement la stratégie d’écrémage voulue par la marque allemande.
Une stratégie loin des attentes de Kanye, qui vise la popularité d’un Jordan pour faire de sa chaussure une pièce populaire que tout le monde pourra s’offrir. De ce fait, des rumeurs sortent rapidement et placent Kanye chez Vans où l’on évoque un potentiel accord. Des rumeurs qui resteront à leur stade d’origine et qui vont le pousser à faire le forcing pour arriver à son but et récupérer les reines de sa gamme.
Alors que la YEEZY Boost 750 se développe bien, Kanye et adidas, prennent le virage de la runner pour développer une nouvelle silhouette : la YEEZY Boost 350 dans son coloris Turtle Dove. Nous sommes en 2015 et il paraît limpide que cette dernière s’inspire de la très populaire Nike Roshe Run, chaussure la plus vendue de l’année 2014. Une inspiration qui pousse adidas et Ye à imaginer une 350, bien plus premium que la Roshe Run, avec un chausson en Primeknit et une semelle en Boost. Son succès qui ne se fait pas attendre va pousser adidas à développer sa silhouette pour en faire le fer-de-lance, de la gamme, ainsi que le cœur de sa stratégie.
Croître et installer la marque YEEZY par la quantité
La première YEEZY Boost 350 finit sa courte vie en 2016 pour être remplacée par la YEEZY Boost 350v2. La paire dévoile un nouveau shape et accueille une ligne latérale qui vient accroître son côté fuselé. Avec cette paire, adidas et Kanye West tiennent leur poule aux œufs d’or qu’ils ne seront pas près de lâcher. Cette deuxième version de la 350, adidas et Kanye West vont peu à peu assommer le marché. Une masse non négligeable de colorway arrivent et des versions spéciales comme les versions réflectives se développent parallèlement. Le tout arrive dans des quantités qui vont peu à peu augmenter. Très rapidement, la communication de Kanye West change, ce dernier dévoile son rêve de voir ses chaussures aux pieds de tous. Il explique que cette volonté, nommée « YEEZY for all » ne tient pas d’hier et que sa marque deviendra une marque du peuple.
Les versions se succéderont jusqu’à son apogée, une version cream white, qui avec son restock, dépasseront le million de paires vendues. Une hérésie dans un secteur qui ne vit que pour les quantités limitées. Cependant, Kanye West est heureux, car il vient de toucher un bout de son rêve, faire de sa YEEZY et de sa marque une icône.
Pendant ce temps, et pendant que la 350v2 opère la stratégie de Ye, le designer continue de travailler sans relâche pour compléter sa gamme de sneakers. YEEZY dévoile alors la Powerphase Calabasas, inspirée de la Continental 80 ; la YEEZY Boost 700v1, une dad shoe qui répondra à merveille aux demandes du marché ; et une Yeezy 500 qui, de par sa composition, se rapprochera des traditions de la marque aux trois bandes, via une combinaison de matière qualitative, bien pensée et bien assemblée. La famille YEEZY s’agrandit donc et propose une large gamme de sneakers pour toucher différents types de clients potentiels, de l’amateur de tennis simples et sobres jusqu’au suiveur de tendance. La stratégie de marque continue de se décliner, avec un assortiment désormais complet, large et profond.
En mars dernier, au détour d’un entretien donné à CNBC, Kasper Rorsted, directeur général de adidas, s’est exprimé sur YEEZY pour justifier la stratégie de la gamme. Ce dernier évoque le travail de quantité de la 350v2 et la politique de distribution qui sera désormais propre à chaque silhouette et chaque coloris :
Cette année, nous allons avoir plus de 20 releases. Certaines disposeront de petit volume quand d’autres auront un volume plus conséquent
Kasper Rorsted, DG adidas
S’émanciper de adidas
En confiant à John Wexcler le poste de manager général de YEEZY, Kanye a ajouté une pièce maîtresse à son équipe. Personnalité de premier choix de la marque aux trois bandes, “Wex” est un véritable génie du marketing. Proche de Kanye West depuis des années, c’est lui qui l’avait fait signer chez adidas et son intégration à l’équipe stratégique montre le désire d’émancipation de la marque.
Nouvelle preuve de cette prise d’indépendance, c’est cette gamme YEEZY qui ne cesse de croître et de se développer. Si on ne voyait que quelques modèles composer la ligne YEEZY à l’époque, ce n’est plus du tout le cas. 350v2, 380, 500, 500 High, 700v1, v2, v3, Quantum Basketball, Slide ou autre Foam Runner, l’offre de YEEZY ressemble à celle d’une vraie marque. Avec son armada, les produits de la marque peuvent désormais toucher n’importe qui et tous les marchés de la sneakers, du lifestyle au sport. Cette Foam Runner, bien au-delà de sa silhouette, traduit enfin le projet de Kanye West sur le moyen terme. Fabriquée à partir d’algues du Wyoming, la Foam Runner se révèle être avant-gardiste dans la stratégie de la marque puisque d’ici à 2023, Kanye West souhaite rapatrier la production YEEZY aux États-Unis. Un grand projet, qui s’inscrit loin des décisions de adidas, pour une nouvelle preuve d’émancipation.
Chaque jour qui passe rapproche Kanye West de son rêve : faire de YEEZY une marque du peuple. Une vision loin de la perception première que l’on avait de ses produits, initialement destinés à une cible avertie et informée. Du chemin, Kanye West en a fait. Il est désormais difficile d’imaginer celui qui a marqué les esprits avec Nike quitter les rangs d’adidas tant il s’est affirmé et développé avec elle. Au travers de ses produits et de ses choix, Kanye West se livre et dévoile, il grandit à travers sa marque qui ne cesse de franchir de nouveaux caps.
Hier, pendant son défilé YEEZY Season 8, le rappeur a encore été plus loin dans l’établissement de sa marque. En plus de son désir d’arrêter de produire du merch, Kanye West a partagé sa volonté d’innover en matière de textile. Circuits courts, processus de teinture écoresponsable, le rappeur a pris conscience de l’enjeu écologique. Il ne faut cependant pas totalement se voiler la face, le rappeur sait très bien l’impact marketing de cette prise de position de sa part pourrait influencer tout une autre génération de designer.
Les projets sont désormais clairs et détiennent une ligne directrice qui devrait les ramener aux États-Unis. Kanye, loin d’être un illuminé est devenu un businessman accompli qu’il va falloir suivre très attentivement à l’avenir.
Dans le reste de l’actualité Clothing, Balenciaga frappe fort avec un défilé apocalyptique très engagé.